Après avoir livré la vision d’ensemble de mon écu personnel, il est temps d’en ouvrir les quartiers, un à un, comme on entrouvre une porte intérieure.
Le premier d’entre eux ne se situe pas dans un lieu précis. Il ne désigne pas une commune ni un souvenir, mais un murmure ancien, une généalogie géologique autant que linguistique, une identité transmise par l’eau et par la pierre.
Ce quartier-là n’est pas une provenance, c’est une présence. Il n’affirme pas « je viens d’ici », mais plutôt « je suis traversé par cela ».
Il s’intitule Cal-onna, selon une graphie retrouvée dans les chartes du XIIe siècle. Ce mot ancien, racine de mon nom de famille, réunit deux éléments : cal, la pierre, et onna, la rivière. Entre fixité et flux, entre socle et passage. Tout est dit.
Ce quartier ouvre le blason comme une source ouvre un paysage. Il est le berceau symbolique, le point d’équilibre entre le Nord natal et le Sud vécu, entre les rivières que l’on porte et celles que l’on choisit.
C’est un quartier de l’intime, mais aussi du langage.
Un quartier de paysages intérieurs, de veines d’eau et de strates d’histoire, de toponymie habitée.

« D’azur, à deux fasces ondées d’argent, accompagnées en chef d’une hutte paysanne et en pointe de trois rochers, le tout du même. »
Il est des noms qui précèdent la mémoire. Des noms qui coulent dans les veines comme une eau ancienne.
Cal-onna. Ainsi l’écrivait-on jadis, au XIIe siècle, dans les chartes latines : cal, la pierre, onna, la rivière.
Une maison sur l’eau, ou une eau courant sur la pierre.
Un nom qui dit tout : la terre et le mouvement. L’ancrage et le passage.
Ce premier quartier, je l’ai voulu d’azur, non pour flatter l’héraldique, mais pour rappeler les fleuves souterrains de l’identité.
Il est le bleu des aïeux, celui de la Calonne qui coule en Normandie, celui de la Lys à Calonne-sur-la-Lys, de la Clarence à Calonne-Ricouart, dans ce Nord que je n’ai pas habité, mais dont je porte encore les échos dans le nom, les archives et le sang.
C’est aussi le bleu des rivières plus méridionales, celles de ma vie réelle :
le bleu salin de la Cagne, à Cagnes-sur-Mer, où s’ouvrit mon ciel d’enfance,
et celui de l’Argens, au Thoronet, plus secret, plus intérieur.
Là, à La Bourgade, sous la maison familiale, coule, ou plutôt ne coule plus, le Malivert, ce ru discret qui, jadis, faisait tourner la roue d’un vieux moulin.
Aujourd’hui, à cause des mines de bauxite du Rigoulier, il ne réapparaît qu’à l’occasion des gros orages, comme une mémoire fragile qui affleure quand le ciel se charge.
Mais même à sec, il demeure.
Il suffit d’écouter autrement.
À travers cet azur, une bande ondée d’argent trace sa diagonale.
Elle est à la fois rivière, veine et verbe.
Elle incarne ce vieux mot venu du fond des langues germaniques — wallen, qui signifie onduler, bouillonner, s’écouler.
Elle est le nom en mouvement, le fil de l’eau qui unit les terres, les temps et les êtres.
En chef, s’élève un rocher d’argent, sobre, solide. Il incarne le “cal” originel — la pierre debout, la maison primitive, le socle fondateur.
Ce n’est pas un bâtiment. C’est une idée d’habitat : la fidélité, la permanence, le refuge silencieux.
En pointe, trois rochers d’argent ponctuent la base du blason.
Ils sont la Clarence, la Cagne et l’Argens.
Ou bien les trois âges de l’homme, ou encore trois piliers de la mémoire.
Ils sont les jalons d’un chemin d’eau et de pensée.
Et autour d’eux, l’azur veille.
Il n’est pas décor.
Il est ciel transmis, rivière ancestrale, chant discret du nom.
Un bleu profond, qui relie les terres aux lignées, les sources aux songes, la pierre au cœur.
Ce premier quartier posait les bases fluides d’une identité : celle qui circule dans les veines comme l’eau dans les lits anciens.
La semaine prochaine, nous quitterons les rivières pour aborder les lignes de force, les silences hérités, et les loyautés qui se transmettent sans bruit.
Rendez-vous dans le deuxième quartier : De sable et d’or, sous la garde des Flandres.