Autant le premier quartier s’écoulait comme une rivière, autant celui-ci s’érige comme une façade. Il ne se traverse pas, il se tient. Droit. Sobre. Silencieux.
Ici, le langage n’est plus celui des sources ni des toponymes, mais celui des lignes de force, des blasons anciens, des loyautés enfouies mais vivantes.
Le fond est d’or, les figures de sable : tout y est contrasté, mesuré, grave, comme un document héraldique qu’on ne lit pas sans en connaître les codes, mais que l’on sent dès qu’on s’y frotte.
C’est le quartier de la filiation. Non celle qui s’affiche, mais celle que l’on devine dans les silences d’enfance, dans les patronymes répétés, dans les souvenirs qui n’ont pas été dits.
Ici s’inscrit la mémoire généalogique, non comme tableau d’ascendance, mais comme souffle et structure.
Ce quartier-là n’est pas le plus visible, ni le plus flamboyant, mais peut-être est-ce celui qui porte le plus. Il parle de chevrons qui protègent, de lions qui veillent, de terres qui se sont tues sans jamais se rendre. Il dit que l’on avance mieux lorsqu’on sait d’où l’on vient, même si l’on ne s’y est jamais installé.

(D’or au lion de sable armé et lampassé de gueules, accompagné en chef de trois chevrons de sable)
Le premier quartier parlait des rivières. Celui-ci parle des racines profondes, celles qui ne se voient pas mais qui tiennent, celles que l’on cherche, patiemment, dans la poussière des archives ou le silence des absents.
Le champ est d’or, non pour briller, mais pour éclairer. C’est l’or de la mémoire, un or solaire et sobre, comme celui d’un manuscrit ancien.
Sur cet or, trois chevrons de sable, noirs, graves, ancrés, dessinent une barrière ou une charpente, selon qu’on les regarde comme des obstacles ou comme des abris. Le chevron, en héraldique, est une pièce honorable. Il rappelle l’éperon du chevalier ou la barrière du tournoi : il est protection, vaillance, constance.
Et le sable, cette teinte obscure, dit la modestie, la prudence, mais surtout la constance dans l’adversité.
Ces trois chevrons, je les ai voulus ainsi pour signifier que j’assume mes origines, qu’elles soient modestes, mêlées ou lointaines, et que je me sais protégé par ceux qui m’ont précédé.
C’est ici que s’inscrit aussi mon intérêt pour la généalogie : non comme une quête de noblesse, mais comme un acte d’écoute, un geste d’ancrage, une manière de tendre l’oreille aux voix qui m’ont précédé.
Sous ces chevrons veille un lion de sable, dressé, gueule rouge, griffes prêtes.
Ce n’est pas un lion de conquête. C’est le lion des Flandres.
Celui qui, depuis des siècles, orne les bannières du Nord, province à laquelle appartient Gravelines, la ville où je suis né.
Et si je n’y ai fait que naître, les terres qui l’entourent de ce qu’étaient les Pays-Bas français, conquises par Louis XIV , Flandre, Artois, Hainaut, sont le berceau de ma famille, du côté paternel comme maternel.
Elles se sont transmises au fil des siècles, au gré des frontières et des révolutions, mais n’ont jamais quitté la mémoire.
Ce lion noir est donc un gardien, pas un dominateur.
Il représente la force discrète des miens, la fierté sans fracas, la loyauté qui ne se proclame pas, mais se pratique.
Et sa langue rouge, ardente, est celle de la parole qu’on n’élève que lorsque c’est juste, et de la mémoire qu’on honore sans faire de bruit.
Ce deuxième quartier est celui de la fermeté intérieure.
Il dit que l’on avance mieux quand on sait d’où l’on vient, et que les vivants marchent toujours un peu avec leurs morts.
Il dit que sous les chevrons, il y a des toits. Et sous les toits, des foyers, des lignées, des gestes transmis.
Il est le cœur invisible d’un arbre généalogique, et le serment silencieux de ne pas oublier.
Après les chevrons, les lions, les lignages tissés dans la patience et l’ombre, viendra le temps du Sud, de la lumière, et des terres choisies.
La semaine prochaine, nous basculerons du reçu vers l’élu, du sang vers l’attachement.
Rendez-vous dans le troisième quartier : De lumière et de roc, en terre choisie.