La Borie – Été à Cagnes
Titre : La Borie – Été à Cagnes
Date : entre 2010 et 2015
Ingrédients visuels & techniques
- Matériau principal : calcaire Jura Solnhofen (fragments récupérés sur la plage d’une piscine familiale)
- Support : planche de contreplaqué
- Techniques : composition libre, collage sans taille ni retouche des éclats, jeu sur les teintes naturelles (crème, beige, gris, ocre)
- Fixation : d’un seul geste, sans tracé, comme on scelle un souvenir — une mémoire hydroclastique née de l’eau, du temps, et des pierres.
Intentions
C’était un été chaud, quelque part entre 2010 et 2015, à Cagnes-sur-Mer.
Mes enfants jouaient sûrement autour de la piscine, insouciants et trempés, et moi, comme souvent là-bas, entre deux silences.
J’ai vu ces brisures de pierre au sol – des bouts de dalle abîmés par le temps, l’eau, les pas.
Ils n’étaient plus utiles, mais ils étaient beaux.
Alors j’ai commencé à les ramasser, à les disposer sur un morceau de contreplaqué, sans plan précis.
Juste une envie de recomposer quelque chose de connu, de familier : une borie.
Pas une reproduction fidèle, mais une évocation.
La forme est venue presque d’elle-même, fragment après fragment, comme un jeu entre équilibre et mémoire, un tetris.
Je n’ai rien retaillé, rien ajouté. J’ai laissé la matière parler : ses nuances, ses bords, ses accidents.
Ce calcaire venu d’Allemagne, chargé de millions d’années, trouvait à Cagnes un second souffle.
Drôle de rencontre entre les lagunes du Jurassique et la lumière du Sud.
Peut-être que dans cet éclat, quelque part, Renoir aurait vu une tache de soleil.
Peut-être que Soutine y aurait lu une faille.
Ce jour-là, j’ai fait une borie comme on écrit une lettre sans destinataire.
Elle est restée là, modeste, muette, mais fidèle.
Un peu comme les souvenirs de ces étés passés – qui ne disent rien, mais qui tiennent chaud longtemps.
« Il y a des pierres qui attendent, et des mains qui se souviennent. »
(Et parfois, une envie d’en faire un abri intérieur.)
Entre les collines sèches de Provence et la mer scintillante, entre Renoir aux Collettes et Soutine dans les ruelles du Haut-de-Cagnes, cette petite borie de fragments témoigne d’un lien : celui entre la main, la mémoire, et le sol — même si ce sol vient d’ailleurs.
Et comme souvent sur la Côte, c’est dans l’inutile qu’on trouve un peu d’éternité.
« C’est curieux, les souvenirs. On croit qu’ils se sont endormis, et puis un jour, une lumière, une odeur, une pierre les réveille. »
— inspiré de Jean d’Ormesson