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Il est des recettes qui n’appartiennent ni aux livres, ni aux modes, mais qui, pourtant, semblent régner sur les âges. Elles ne suivent ni mesure, ni règle ; elles sont transmises dans un souffle, comme une main tendue à travers les âges. Dans une cuisine, elles résonnent encore des mots d’un père, d’un grand-père, d’une voix familière.

La caillette, c’est cela.
Un acte de mémoire. Une succession de gestes précis, ancrés. Surtout, c’est une histoire de terroir.

Mais attention, je ne parle pas de cette boule dodue, plantée fièrement sur les étals des marchés provençaux, ardéchois ou drômois. Non, chez nous, dans le Var, la caillette se tient autrement. Elle s’étend, se pose discrètement dans une terrine, comme un pain modeste. Pas de bettes, ni d’épinards ou de blettes. Chez nous, la verdure se limite au persil (et à l’ail, bien sûr, car sans ail, on n’est rien ici). Elle est franche. Sans fioriture. Un hymne à la chair, au cochon bien né, et à tout ce que le terroir peut offrir de plus simple, de plus vrai.

Dans le Var, on la mange froide, là où ailleurs on la réchauffe dans une cocotte ou la déguste tiède. Servit à l’apéro, avec un morceau de pain, des olives, ou un soupçon de moutarde; Parfois, un simple verre de vin pour faire écho au goût. Un rouge discret, ou un rosé bien frais, car ici, quand le goût est là, on ne tergiverse pas.

Mais ce que je cherche, chaque fois que je franchis la porte de la boucherie du Thoronet, chez Manu, ce n’est pas seulement ce pâté d’antan. C’est ce souvenir, ce fil invisible qui me relie à ce qui fut. Je vois encore son père, tablier blanc, derrière son comptoir, du temps où celui-ci était encore rue Grande. J’étais adolescent à l’époque, et le Thoronet était notre destination de week-end et de vacances, chez mes grands-parents, dans la maison que j’occupe désormais. À l’époque, on descendait de la Bourgade pour aller chercher le pain, et bien sûr, cette caillette, toujours présente, immuable, portant en elle un peu de l’histoire du village.

Aujourd’hui encore, elle me ramène à ces matins-là.
À ce goût simple et profond, plus fort que le temps.

À travers la France, la caillette varie, chaque région ajoutant sa touche personnelle. En Ardèche, on y incorpore des châtaignes, pour un mariage inattendu mais délicieux. En Drôme et en Haute-Provence, les herbes prennent parfois la vedette, comme dans la recette plus herbacée de la caillette d’antan. À chacune de ces variantes, la caillette nous raconte l’histoire d’un lieu, de ses produits et de ses traditions. Mais peu importe la version, elle demeure un témoignage de la simplicité et de la générosité du terroir.

À noter :

Chez Ô Bulles Carrées, nous proposons également une caillette de Montagne, artisanale, venue des Hautes-Alpes — plus végétale, avec épinard — cousine lointaine, mais tout aussi digne.

Pour en savoir plus :