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Fragments d’un autoportrait symbolique

Il est des écus qu’on hérite, d’autres qu’on dessine. Celui-ci m’est venu comme une nécessité intérieure, un besoin de composer, en couleurs et en silence, ce que les mots seuls ne suffisent pas à dire.

Ce n’est ni un acte nobiliaire, ni un jeu d’esthète.
C’est une œuvre mentale, une introspection construite à l’encre d’azur, de sable et d’or.
Un blason, oui, mais personnel, poétique, presque minéral.

Chaque quartier y tient lieu de fragment. Ensemble, ils composent une carte intérieure, un autoportrait en quatre mouvements. Il y est question d’origines, de transmission, de terres choisies, de constance dans l’adversité et de silence fécond. Mais aussi de lumière, de recommencements, et de fidélité à soi.

Cet écu ne m’a pas été transmis, et nul autre que moi ne le revendique à ce jour.
Il n’appartient à personne d’autre qu’à l’instant qu’il traverse.
Je le dépose ici, dans Art & Matières, parce qu’il est d’abord cela : un geste de création.
Une manière de donner forme à ce qui, autrement, serait resté épars.

L’écu aux quatre vents
Un blason en quatre quartiers, comme une vie en quatre temps

1. Le berceau du nom – Calonne, murmure de pierre et d’eau
Dans ce premier quartier, l’eau et la pierre se partagent la parole. Deux fasces ondées y glissent comme des souvenirs anciens : c’est la rivière, celle du Nord, celle des origines.
Cal-onna, disaient les anciens, la maison sur la rivière.
Une hutte paysanne se dresse, frêle mais digne, mémoire d’un habitat celte, d’un monde de clairières et de silence. En dessous, trois rochers d’argent, posés comme les fondations d’un nom, viennent rappeler que l’eau n’est rien sans le sol qui la guide.
C’est un quartier d’identité. Il ne montre pas un lieu : il en évoque mille. Il ne dit pas « je viens de là », mais « je porte cela ».

2. Les ancêtres – lignage, constance et fierté flamande
Le second quartier semble austère à première vue. Trois chevrons noirs sur fond d’or : lignes pures, presque guerrières.
Ce sont les lignes de force, les appuis de l’âme.
Symboles d’ascension mais aussi de protection, ils disent tout à la fois la prudence, la modestie, et cette fermeté discrète que seuls les vieux lignages cultivent sans bruit.
En face, un lion noir, armé et lampassé de rouge. C’est le lion des Flandres, l’emblème d’un peuple dont la langue rugit encore dans les ventres. Que le lignage soit paternel ou maternel, ce lion n’est pas un ornement : il est une mémoire qui marche. Il te regarde, non pour te juger, mais pour te reconnaître.
Ce quartier, c’est la généalogie en silence. Non pas un arbre, mais un souffle.

3. La terre choisie – Provence, fidélité et enracinement
Il y a dans ce troisième quartier la lumière du Sud, celle qui fait plisser les yeux et réchauffe les pierres.
D’un côté, les quatre pals de gueules , flamme provençale, rappel d’un royaume d’Aragon dont les couleurs traversèrent la Méditerranée comme une promesse.
De l’autre, un aigle rouge, couronnée d’or, éployée sur son roc. Elle est celle du Comté de Nice, de l’extrémité orientale de la Provence, là où la France se fait frontière, là où l’on revient toujours.
Cagnes, Saint-Laurent, Le Thoronet, ces noms ne sont pas que des lieux. Ils sont devenus, au fil du temps, la colonne vertébrale d’un autre enracinement.
C’est là que la scolarité s’est faite, que l’amitié et l’amour se sont forgés, que la famille s’est déployée, que les enfants sont nés, que la terre a été de nouveau choisie.
Ce quartier ne célèbre pas un sang : il consacre une fidélité. Il ne regarde pas le passé : il bénit l’attachement.

4. La traversée – espérance, renaissance, lumière
Le dernier quartier, enfin, dit tout ce que les autres taisent. Sur un fond d’azur, un moulin d’argent tourne dans un vent invisible.
Il est le travail, le commerce, mais aussi la culture, celle du vent et des idées.
Il fut un jour une enseigne : Mistral & Tramontane. Aujourd’hui encore, ses ailes battent comme une horloge intérieure.
À sa gauche, un croissant et une étoile veillent. Ensemble, ils dessinent un passage, de l’ombre vers la clarté, du chaos vers l’élévation.
Ils sont nés de désordres douloureux, de recommencements laborieux, mais aujourd’hui, ils brillent comme des repères fixes, les phares d’une vie reconstruite.
Ce quartier, c’est celui du courage discret. Il ne brandit pas ses victoires : il les laisse luire doucement, comme la lumière sur une colline d’oliviers au petit matin.


Ce billet ouvre une série de quatre publications à venir.
Chacune détaillera l’un des quartiers de l’écu, dans un va-et-vient entre mémoire et création, entre symbolique et biographie, entre matière vécue et esthétique intérieure.
Rendez-vous la semaine prochaine pour entrer dans le premier : Cal-onna, la maison sur la rivière de pierre.