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(Peinture émaillée sur porcelaine – 95 x 95 x 193 mm, décembre 2019)

Il est des formes que l’on apprivoise avec le temps. Carrées, nettes, sans échappée. Ce vase ne fut pas seulement choisi pour contenir, mais aussi pour porter. Non pas des fleurs, mais un geste, une mémoire, un bouquet d’intentions suspendues dans la lumière pâle d’un mois de décembre.

L’œuvre s’intitule Illustre bouquet. Le titre, tracé au revers, dit déjà quelque chose de sa nature : un hommage discret, mais vibrant. Une offrande plus qu’un manifeste.

Et si hommage il y a, il s’adresse à Clarice Cliff. L’esprit de la céramiste anglaise plane ici, dans ces carrés colorés en lévitation. Figure emblématique de l’Art Déco britannique, elle fit scandale, et école, avec ses formes audacieuses et ses motifs géométriques joyeusement subversifs. La série Bizarre, à laquelle appartient le vase qui m’a inspiré, date de 1929 : explosion chromatique, abstraction rythmée, fantaisie maîtrisée.

Mais là où Cliff optait pour la rondeur dynamique, j’ai choisi l’angle, la verticalité. Une géométrie plus contenue, plus silencieuse, comme un écho apaisé à son exubérance. Ce vase-là oppose la douceur des émaux à la rigueur du format. Une porcelaine blanche, brillante à l’origine, que j’ai recouverte d’un voile nacré, comme un ciel laiteux avant la neige. Les carrés – orange, vert, bleu – flottent légèrement, suspendus comme des ballons de baudruche, retenus par de fines tiges : les fils invisibles de l’affection.
Car ce vase fut un cadeau, silencieux mais senti, une botte immuable, liée, stable, offerte, à une mère, dans le temps suspendu de Noël.

Il y a, dans ce bouquet géométrique, quelque chose de paradoxal. Rien ne fane ; rien ne flétrit ; mais tout tient debout, vibrant, comme une fête figée. L’éternité s’est arrêtée dans l’émail, comme un instant offert, fixé dans la matière.

Créer, parfois, c’est citer. Mais c’est aussi continuer. Reprendre un langage ancien pour lui faire dire autre chose. Illustre bouquet, ce n’est pas du Cliff. C’est une conversation avec elle, et avec l’Art Déco. Une manière de prolonger ses lignes, en silence.